Le débat s'installe
A peine franchit le seuil de la porte du salon « Symphonie » de l’hôtel Itinéraires, les invités étaient saisis par les parfums des mets et amuses bouches soigneusement présentés sur les tables nappées. A l’opposé de cet espace de saveurs, des images des bidonvilles et des cités de transit de Nanterre défilaient en boucle sur un écran blanc tel un miroir soucieux de nous renvoyer à l’esprit les pages sombres de l’histoire et de la mémoire sociale de Nanterre.
Ainsi, c’est une cinquantaine d’amis blogueurs qui s’est retrouvée à l’occasion de cet apéritif dînatoire, ce mercredi 13 mars 2013, en présence de plusieurs Elus locaux parmi lesquels figuraient Michel Bottreau (Modem-PRG), André Cassou (MRC), Frédéric Lefret (UDI), Nadine Garcia (Front de Gauche) et Patrice Marchal (PS). Ce moment d’échanges a permis aux Amis de la Cité Blanche Gutenberg de présenter les avancées significatives concernant le projet d’inscription de la mémoire d’Abdenbi dans le paysage public nanterrien mais aussi de verser au débat les difficultés restant en suspend.
Après un bref rappel de la genèse de la démarche citoyenne portée par les Amis du blog, les interventions successives des Elus sont venues confirmer le consensus politique qui se dégage autour de ce projet : « La classe politique, dans sa très large majorité, semble disposée à trouver une solution pour s’imposer ce devoir de mémoire » déclarait N. Garcia.
Fort de cette convergence, les divers orateurs ont débattu de la proposition émise par Monsieur Patrick JARRY, Maire de Nanterre, le 15 février dernier (allée piétonne dans le nouveau quartier Hoche, photo ci-dessous).
La famille Guémiah, présente lors de cette rencontre, a confirmé devant l’assemblée les réserves qu’elle avait pris soin de développer auprès du Premier magistrat quelques jours plus tôt « En plus de n’avoir fait l’objet d’aucune démarche de consultation de la part de la Mairie, celle-ci nous renvoie vers ce lieu où on nous avons tant subi la relégation durant plusieurs décennies. Nous n’acceptons pas que la mémoire d’Abdenbi soit accolée à l’endroit où, précisément, il a été assassiné. » dénonçait Hassan Guémiah. C’est dans une atmosphère pleine d’émotions, que les Elus se sont dits réceptifs face aux objections déclinées par la famille Guémiah : « Ce soir, j’ai peu parlé et beaucoup écouté » précisait A. Cassou avant de poursuivre « J’ai pris note des motivations légitimes qui justifient les réserves prononcées concernant la proposition initiale du Maire » confiait A. Cassou.
Patrice Marchal,
Président du groupe Socialiste au Conseil municipal
Pour ne pas oublier la mémoire d’Abdenbi et pour soutenir la volonté de la famille Guémiah de ne pas voir le nom de son enfant accoler à l’ombre d’un vulgaire échangeur autoroutier, les Amis de la Cité Blanche Gutenberg ont confirmé aux Présidents de groupe leur souhait de voir graver la mémoire d’Abdenbi au cœur de la Cité. Frédéric Lefret suggérait de retenir l'idée "d'associer le nom d'Abdenbi à un édifice accueillant du public afin de faire vivre et de pérenniser sa mémoire". L'élu prolongea son propos en suggérant de mettre sur pied "une bourse qui porterait le nom du défunt et qui serait allouée au financement d'actions visant à lutter contre le racisme, la violence, l'intolérance et autres discriminations". Parallèlement, dans un message émouvant relatant son arrivée à Nanterre au début des années 90, Michel Bottreau reconnaissait qu’il venait de découvrir cette page de l’histoire locale. « Nous ne devons pas avoir peur d’inscrire la mémoire d’Abdenbi dans un lieu fort de notre ville. Ce serait un acte fort, courageux et symbolique envoyé vers nos concitoyens dont beaucoup méconnaissent l’histoire récente de notre ville » déclarait-il.
Pour convaincre les Elus de la faisabilité de ce projet, les Amis de la Cité Blanche Gutenberg ont soigneusement décliné 3 propositions simples, limpides, faciles à mettre en œuvre et qui n’imposent aucune contrainte administrative :
1- Apposer le nom d'Abdenbi Guémiah sur le fronton de la « Maison de la musique.
2- Débaptiser la place des Belles femmes (placé du marché), Place Abdenbi Guémiah.
3- Dénommer la place (aujourd’hui sans aucun nom) située au croisement de la Maison de la musique, de la Maison des associations, de l’Ancienne Mairie, de la Villa des Tourelles (qui héberge la Société d’Histoire de Nanterre) et de la bibliothèque Flora Tristan, Place Abdenbi Guémiah.
A l’issue de cette présentation, de nombreuses réactions se sont faites jour. Parmi les personnalités locales présentes, Estelle Le Touzé (ancienne élue municipale) souhaitait que ces propositions méritaient d’être étudiées. Retenir l’une d'elles «  ce serait une manière de mettre en lumière la mémoire d'Abdenbi et à travers lui, honorer la mémoire collective. A travers Abdenbi ce serait une manière de se réconcilier, une manière de mettre à plat pour ce qui a été une double ségrégation spatiale et ethnique subie par des centaines de familles dont celle d’Abdenbi ». Même si aucun Elu présent ne se s’est prononcé ouvertement sur ces propositions, P. Marchal déclarait néanmoins « Vos propositions ont l’intérêt d’exister et semblent plutôt pertinentes ».
Pour la famille Guémiah, ces propositions sont avant tout l’expression d’une main tendue vers l’histoire de Nanterre. « En inscrivant le nom Abdenbi au cœur de la ville, ce serait un geste fort de réconciliation entre l’histoire de notre ville et la mémoire d’Abdenbi. Il ne s’agit pas de faire de la surenchère mais d’abord de répondre à un souci de dignité et de mémoire ».
Conscients qu’il n’y aurait rien de pire qu’un tel sujet fasse polémique, l’ensemble des Elus se sont dits disposés à mettre tout en œuvre pour trouver les chemins convergents menant vers la meilleure solution pour honorer la mémoire d’Abdenbi.
Les élus municipaux de la majorité (A. Cassou et P. Marchal) se sont engagés à rendre compte, directement au Maire, les termes de ces échanges riches et passionnés. « Il nous faudra revenir vers vous avec de nouvelles propositions » complétait A. Cassou.
Enfin, ces mêmes Elus ont exprimé le souhait de voir ce dossier aboutir au plus vite : « J’espère que nous serons amenés à voter une délibération lors du Conseil municipal du mois de juin ».
Même si le verbe a parfois été élevé, les brochettes de viandes au safran, les blinis au saumon et autres tartines de pain garnies de filet de sardines à la tomate ont permis la poursuite des échanges dans une atmosphère cordiales et détendues.
Désormais, la mémoire d’Abdenbi fait débat au sein des familles politiques nanterriennes. Néanmoins, continuons à rester vigilants et mobilisés pour que sa mémoire échappe à la relégation.
La Rédaction
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