Cité Blanche Gutenberg

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Interview Lottfi Zouina (chanteur du groupe " les amis d'Abdenbi ")

Affable, posé à l’extrême, il sait aussi se montrer mordant quand cela est nécessaire. Tels sont les qualificatifs qui me viennent à l’esprit pour vous présenter Lottfi ZOUINA, auteur, compositeur et interprète de la chanson « Nanterre ville bidon » écrite au lendemain de l’assassinat de Abdenbi GUEMIAH.

 

Bercé dès son plus jeune âge entre chansons arabes traditionnelles (Oum Kelthoum, Fairouz, Farid El Atrache…) et chansons françaises à texte (Cabrel, Ferrat, Le Forestier…), Lottfi -natif de Nanterre- a vécu l’essentiel de sa vie entre le bidonville du Petit-Nanterre et la cité des Canibouts.

 

Grâce à une vieille guitare offerte par son père, il se prit de passion pour la musique. Avec ses amis de répétition, il constitua -en 1983-  le groupe les AMIS D’ABDENBI.

 

 

Connaissais-tu personnellement Abdenbi ?

 

Même si nous étions d’une même génération, même si nous nous étions croisés à de nombreuses reprises dans les couloirs et cours de récréation du collège Doucet et un peu plus tard, du lycée Joliot-Curie, je ne connaissais pas particulièrement Abdenbi.

 

Au détour de visites chez des proches qui habitaient la cité Gutenberg, voisins de la famille Guémiah, il m’est arrivé de le croiser ou d’apercevoir sa silhouette arpenter les immenses espaces, notamment autour du terrain de foot-ball.  

 

 

Malgré l’absence de proximité avec Abdenbi, tu as été très touché par son assassinat. Comment l’expliques-tu ?

 

En apprenant le décès de Abdenbi, je me suis immédiatement senti touché et concerné.

Nanterriens tous les deux, nous avions le même âge, des origines culturelles communes, un itinéraire social identique, un parcours scolaire similaire, des conditions de vie précaires et difficiles faites de promiscuité, de relégation, de discrimination, de répressions policières récurrentes… L’ensemble de ces éléments suffisait à me convaincre que cela aurait pu être moi. D’autant plus que mes attaches familiales avec la cité blanche m’ont amené à emprunter, plus d’une fois, l’allée où Abdenbi a été mortellement blessé.

 

 

Tu es l’auteur de « Nanterre ville bidon », magnifique chanson qui rend hommage à Abdenbi. Comment est né ce texte ?

 

Adepte de poèmes, je nourrissais à l’occasion le recueil de poésies du Club des Canibouts. Au lendemain de la marche silencieuse organisée dans les rues de Nanterre, et blessé comme tant d’autres, j’ai spontanément couché quelques vers pour exprimer ma tristesse, ma colère, mon cri de révolte pour dénoncer, avec des mots simples, les conditions de vie inhumaines auxquelles étaient confrontées des centaines de familles oubliées par les pouvoirs publics, et mettre au grand jour et relayer la révolte silencieuse de nos parents, protecteurs qui malgré tout parvenaient à masquer les difficultés quotidiennes, en instants d’insouciance libératrice et fraternelle.

 

Et puis avec quelques amis musiciens, nous avons travaillé musicalement ce texte qui -au fil de l’eau- s’est transformé en chanson. Pour inscrire plus fortement la mémoire de Abdenbi dans les cœurs, nous avons décidé -au moment de la constitution officielle du groupe- de baptiser celui-ci « les amis d’Abdenbi ». Ainsi, avant chaque entame de concert, nous nous faisions un devoir de  rappeler qui était Abdenbi.

 

 

 

De gauche à droite : Djamel Chouat, Lottfi Zouina, Sidi-ahmed Arbaoui, Azzedine Arbaoui

 

 

Dans la deuxième partie de la chanson, tu écris « On dit qu’un fou a perdu la raison ». Concrètement, quel message voulais-tu faire passer ?

 

Cette phrase est un non sens en elle-même. En reprenant des termes ayant le même sens, j’ai voulu préciser, mettre en évidence le sentiment limpide que l’auteur du crime avait toute sa conscience au moment des faits. Et que c’est délibérément qu’il a tué Abdenbi.

 

Aussi, n’oublions pas que cette période était rongée par de nombreux assassinats, en toute impunité, d’enfants immigrés. A travers ce texte, Je voulais dénoncer la banalisation des crimes racistes.

 

 

Propos recueillis par Mohamed SELMET

 

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25/10/2012
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