Ces autres habitants du bidonville...
Saviez-vous que nous n'étions pas les seuls habitants du bidonville ? En effet, ce territoire était partagé.
Pendant la journée, il était tout à nous, chaque centimètre carré était utilisé. Dès le petit matin, la vie s'éveillait, les "sabah el kheir" fusaient au-dessus des murets et donnaient le ton à la journée.
Chacun vaquait à ses taches: les hommes partaient au chantier construire les appartements qu'ils n'habiteraient que des décennies plus tard, les femmes s'occupaient des petits enfants et il y en avait pas mal, ce n'était pas pour rien que l'on nous cataloguait de "familles nombreuses".
Et nous les grands enfants, étions à l'école Voltaire pour apprendre le français (langue que nous ne parlions qu'en dehors du bidonville ou entre ami(e)s. Avec nos parents, l'arabe dialectal était de rigueur).
Mais la nuit, quand tout le monde dormait, les habitants de la nuit prenaient possession à leur tour de ce territoire. Blottie au fond du lit, je les entendais courir partout. C'était assez terrifiant d'entendre ce bruit de griffes sur le toit. Vous avez deviné : c'était les rats.
Nous avons cohabité des années avec ces bestioles. La nuit, ils s'en donnaient à cœur joie. Mais les rats sont devenus de plus en plus téméraires puisqu'ils se risquaient à apparaitre en plein jour. Ils mangeaient nos restes et prenaient leurs aises. Nous ne faisions même plus attention à eux jusqu'au jour où un rat a attaqué une femme et l'a mordue. Elle a, heureusement, été soignée et vaccinée à temps. A partir de ce moment-là, les hostilités ont débuté. Les rats sont devenus les cibles de tous nos projectiles: cailloux, chaussures, bout de bois etc...
Cette cohabitation forcée dura jusqu'en juin 1971, date à laquelle nous avons déménagé pour la cité Gutenberg .
Rkia Souni
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