Les femmes du 17 octobre 1961
Que toutes les victimes du 17 octobre (ALLAH I RHAMHEM) reposent en paix.
Le soir du 17 octobre 1961, soir de la sanglante manifestation, de nombreux hommes ont été arretés. Les familles étaient, pour la plupart, sans nouvelle d'un fils, d'un père, d'un frère ou d'un époux. L'inquiétude grandissante, elles essayaient de savoir où avaient été leurs hommes.
Mais quelques jours après la manifestation, un bruit, transporté par le bouche à oreille, courut : " Les femmes devaient aller manifester pour la libération de leurs hommes". Après une longue concertation, les femmes du "petit bidonville" ont pris la résolution de participer à cette manifestation. C'était difficile pour elles.
N'oubliez pas le contexte de cette époque : ces femmes ne connaissaient rien de Nanterre, ne parlaient pas français et de plus elles étaient accompagnées à chacune de leur sortie. Décision extrêmement courageuse de la part de ces femmes.
Nous voilà donc partis. Si mes souvenirs ne me trahissent pas, nous avons remonté le boulevard de la Seine. Mon Dieu, c'est si lointain ! Malgré tout, en fermant les yeux j'ai le son et l'image du moment... Je revois toutes les femmes du "petit bidonville" avec leurs longues robes, leurs "halajates" et leurs "fotas", marchant côte à côte, la tête haute. Certaines avaient leurs bébés attachés dans le dos. Elles n'avaient pas peur d'avancer, elles se soutenaient mutuellement, les enfants ouvrant la marche.
Nous formions un groupement insolite dans les rues de la ville de Nanterre. Nous avons fait un très long parcours, je me souviens d'un escalier en terre soutenu par des planches, nous étions surement à la gare de la Folie (aujourd'hui la gare Nanterre Université). C'est à cet endroit-là que la marche des femmes s'est arrêtée et a décidé de rebrousser chemin. Pourquoi? Je ne sais plus... peut-être la crainte de s'éloigner de Nanterre, des baraques et de se perdre dans ce pays encore inconnu pour elle.
De toute façon, les femmes étaient fières d'avoir manifesté, d'avoir foulé le pavé de leur ville pour la libération de leurs fils, pères, frères, maris.
Peu de temps après, les hommes sont rentrés dans leurs familles les uns après les autres, meurtris, fatigués mais heureux de retrouver leurs foyers.
Messieurs, sachez que vos femmes ont manifesté pour votre liberté!
Mais...Chut, je referme doucement le tiroir pour que ce souvenir reste bien au chaud dans ma mémoire et ne se perd pas sur le chemin de l'oubli.
Rkia SOUNI
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